A Liège, une belle ambition pour le renouvellement urbain

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Dans le cadre de la Présidence belge du Conseil de l’Union européenne (du 1er janvier au 30 juin 2024), le Réseau Habitat et Francophonie a organisé le 3 avril 2024 à Liège, un séjour d’étude franco-belge sur le thème du renouvellement urbain en partenariat avec la Région wallonne et la Ville de Liège avec l'appui de l'Union sociale pour l'habitat. 

L’événement qui a réuni 56 professionnels du logement social a été marqué par des échanges en matinée sous un format « regards croisés France-Belgique » sur les défis du renouvellement urbain et dans l’après-midi, des visites professionnelles dans différents quartiers de la ville de Liège à la découverte des grands projets et chantiers notamment dans l’hypercentre - quartier souverain-pont/madeleine/cathédrale - quartier de Droixhe - quartier des Guillemins.

Grand zoom sur quelques témoignages : 

Willy Demeyer, Bourgmestre de Liège

« Nous avons développé un nouveau schéma de développement communal. Suite aux inondations qu’a connues la Wallonie, 5 000 logements et 12 000 personnes ont été touchés. Cela change très vite les manières traditionnelles de penser la ville. Notre nouveau schéma prévoit de rebâtir la ville sur la ville, et de ne plus toucher aux terrains qui n’ont pas été urbanisés : nous allons surélever, déconstruire pour reconstruire, et utiliser les friches. Nous sommes l’une des premières villes d’Europe à aboutir à ce document finalisé. Les villes sont des ensembles de demandes, de besoins et de financements. Comme beaucoup de villes d’Europe, Liège a des enjeux de mixité : de mixité de fonction et de mixité sociale. Ces enjeux sont bien compris par la population et nous avons intégré qu’il faudra faire appel à des investisseurs publics comme privés».

Christophe Collignon, ministre wallon du logement, des pouvoirs locaux et de la ville (2020-2024)

« La Wallonie ne travaillait pas suffisamment sur les sujets de rénovation et de revitalisation urbaine. Le Gouvernement a décidé d’un plan de relance permettant à la Région de développer ces sujets structurants. 9 grandes villes wallonnes sont concernées, dont Liège. Nous avons consacré 280 M€ pour ces 9 villes, dont 58 M€ pour Liège. Le Gouvernement donne des objectifs énergétiques, climatiques, de mobilité, de logement, et ce sont ensuite les villes qui définissent la manière dont elles vont y répondre. Même si les tailles de nos villes et communes wallonnes ne sont pas les mêmes qu’en France, les problématiques sont les mêmes : revitaliser, surélever, lutter contre la paupérisation des centres-villes, etc. Il y a depuis longtemps une logique de travailler sur l’espace public. Cette politique a beaucoup évolué, et nous avons connu une période avec des travers trop administratifs : on demandait aux communes de partir sur des projets et fixer leur avenir sur 15 ans. On s’est ensuite rendu compte que ça n’allait pas fonctionner, car une ville, par essence, ça bouge, notamment au rythme des différentes périodes électorales. En juin 2024, nous allons changer de législature, sur la précédente nous avons eu la crise du covid, les inondations, la crise énergétique, et nous avons été obligés de revoir notre manière de fonctionner. On travaillait malheureusement en silos, en donnant des moyens précis à des secteurs précis. Nous travaillons sur la mutualisation de ces fonds. Nous avons des actions très terre-à-terre, quand on rénove, on réduit les coûts pour les collectivités, et ces fonds peuvent être réinjectés ailleurs. Tous les niveaux de pouvoirs doivent pouvoir participer à créer du logement à loyer abordable. Nous vivons actuellement une crise assez compliquée, tant de l’offre que de la demande, que nous avons tenté de contrer avec des programmes innovants : cela passe par le remaniement du territoire, en réhaussant les immeubles, et en réalisant des programmes d’acquisition de biens existants, plutôt que de toujours se lancer dans de grandes opérations publiques de construction. Nous essayons de travailler de manière plus simplifiée et plus efficace. Au terme de cette législature, nous avons aidé un secteur en difficulté, et notre production de logements est deux fois plus rapide »

Estelle Rodes, Maire-adjointe de Lille, en charge de la rénovation urbaine

« Le renouvellement urbain peut englober plusieurs définitions, mais il s’agit globalement de renouveler la ville et de l’adapter. La rénovation et l’adaptation du logement sont un enjeu majeur, encore plus fortement aujourd’hui que dans les années 2000. Le renouvellement urbain est un projet partenarial, porté par les élus qui ont identifié des secteurs où le droit commun est défaillant. Mais cela n’est possible qu’avec les moyens colossaux apportés par l’Anru. À Lille, nous avons des projets très importants, qui nécessitent des fonds à leur mesure. À l’échelle de la ville, nous sommes à 100 M€ de subventions de l’Anru. Sur ces projets-là, nous ne pourrions littéralement rien faire sans l’Anru. Si nous n’avons pas de programme de reconstitution de logements sociaux, comment ensuite développer l’offre ? On ne doit pas déconstruire pour ne pas reconstruire au moins dans les mêmes quantités. Mais lorsque l’on a une politique nationale peu, voire pas ambitieuse, en termes de logements, tout le monde est un peu coincé. Sur Lille, nous avons 10 % de logements dits potentiellement indignes (voire 20 % dans certains quartiers), nous devons être capables de les traiter en ayant les capacités de reloger tout le monde. »

Maggy Yerna, échevin de Liège en charge du logement

« En Belgique, la fixation des critères d’attribution des loyers est décidée régionalement. Je suis très attachée à la notion de logements publics plutôt qu’à la notion de logements sociaux, car il faut viser la production de logements accessibles au plus grand nombre : nous sommes face à des problématiques et des publics extrêmement divers, les réponses doivent donc être les plus diverses possibles », indique Maggy Yerna, échevin en charge du logement de la ville de Liège. Dans nos logements sociaux, le loyer moyen est de 268 €, il est donc difficile pour la ville d’investir et d’équilibrer ses opérations avec ce genre de revenus. Pendant une longue période, nous avons dû démolir sans avoir la capacité financière de reconstituer derrière. La conséquence de cela aujourd’hui, c’est que nous n’atteignons pas les 10 % de logements sociaux dans la région wallonne. »

Roger Carcel, Directeur général adjoint en charge de l’immobilier de Maisons & Cités

« Nous sommes un bailleur social de 64 000 logements, dont 97 % sont des logements individuels avec jardin. Cela n’a pas que des avantages, car ils sont pour la majorité classés au patrimoine culturel de l’Unesco. Ils nécessitent malgré tout de lourds travaux de réhabilitation (notamment sur les étiquettes F et G), car ils ont été construits dans les années 50. L’ANRU ne peut nous aider, car elle ne traite que sur les immeubles collectifs. Nous échangeons avec les intercommunalités depuis 8 ans, les 2 départements, et les 42 municipalités sur lesquelles nous sommes implantés, dans l’objectif de mettre tous les politiciens et techniciens autour de la table et de leur faire comprendre qu’il y a un besoin à réhabiliter. Nous y sommes parvenus, et nous avons signé en 2017 un pacte pour rénover 20 000 logements, représentant 2,2 Md€ d’investissements en 10 ans. Nous avons décidé de réhabiliter, en nous fixant un objectif de réhabilitation globale de la cité. L’habitant a besoin d’un logement, mais aussi de transports, d’emploi, de santé, etc. Nous avons réhabilité 15 000 logements depuis 8 ans, il en reste 5 000.  Un logement à réhabiliter coûte 110 000, un logement à construire sur foncier neuf 130 000, logement à construire sur ancien foncier démoli 180 000. Quand on a un bâti qui est sain, on préfère conserver le bâti. »